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3 questions à Pierre Durand

Pierre Durand est un cavalier français devenu, entre autres, champion olympique de saut d'obstacles en 1988 à Séoul avec son célèbre petit cheval noir Jappeloup. Un hongre d'1,58 m, issu d'un croisement entre une pur-sang et un trotteur sur lequel génétiquement et morphologiquement personne n'aurait parié. Et pourtant !

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©Chevalpartage

Question 1 : Est-ce que l'on demande davantage d'efforts aux chevaux aujourd'hui qu'il y a 40 ans ? 

Pierre Durand :

Oui bien sûr. Et on en revient encore au problème de la ranking list international. Aujourd'hui pour exister et espérer pouvoir intégrer le circuit qui cannibalise tout, le global champions tour notamment, il faut être dans les trente premiers mondiaux au moins. Cela contraint les cavaliers à sortir beaucoup plus en concours pour gagner des points. Les chevaux sont beaucoup plus sollicités. Il y trente ans, Jappeloup devait faire environ 20 à 22 concours par an, aujourd'hui ils en font tous le double. Mais en contrepartie il a duré pendant dix ans au plus haut niveau sans interruption ; quatre championnats d'Europe, cinq finales de Coupe du Monde, deux jeux Olympiques. Aujourd'hui, on ne voit plus de chevaux avec des carrières aussi longue constamment au top niveau. Ils s'épuisent avant. De mon temps, c'était possible parce qu'ils avaient des temps de récupération - break d'hiver -, essentiels  pour tous les athlètes qu'ils soient humains ou animaux d'ailleurs. Aujourd'hui, à mes yeux on surexploite les chevaux. C'est aussi ce qui nous amène à les sélectionner toujours plus, pour qu'ils répondent à ces exigences sportives. Mais c'est un tort. Le sport devrait s'adapter aux chevaux, non l'inverse.  

Question 2 : Est-ce qu'un cheval comme Jappeloup, issu d'un croisement hasardeux défiant toutes les lois de la génétique, aurait ses chances aujourd'hui ?

Pierre Durand :

Oui mais non. Sur le terrain oui et même plus qu'à l'époque. Parce que de part sa petite taille, sa souplesse et son respect des barres, il avait toutes les qualités pour performer sur des parcours techniques, en petite piste et avec des obstacles plus bas et plus susceptibles de tomber comme on les voit aujourd'hui. Et non. Parce que de nos jours,  face à la sélection génétique poussée qui est effectuée dans l'élevage, Jappeloup ne serait même pas né. Personne ne fait des croisements hasardeux aujourd'hui, tout est calculé. Et même s'il était né, ensuite il se serait retrouvé face à des poulains avec des origines prestigieuses, issus de lignées étudiées durant des années pour leurs performances. Rien qu'en regardant ses papiers personne ne l'aurait gardé.   

Question 3 : Jappeloup était un hongre, auriez-vous aimé le faire cloner ? Que pensez-vous du clonage et des modifications génétiques ?

Pierre Durand

Je suis totalement contre le clonage, par éthique. C'est une question de principes. Je suis contre parce que je considère que tout être est unique et qu'il doit rester unique. Dans les années 90, Mr Palmer, directeur de Cryozootech, m'avait proposé, plusieurs fois, de cloner la très bonne jument avec qui j'ai fini ma carrière, Narcotique. J'ai refusé. Et quand je vois l'absence de performance dont font finalement preuve les clones aujourd'hui, je suis bien content. Je pense qu'on doit en tirer un enseignement. Sur le fait que tout d'abord, et heureusement, on ne peut pas reproduire un être à l'identique, et qu'ensuite, les aptitudes d'un cheval ne font pas tout. L'acquis qu'il obtient à travers la manière dont il est dressé, dont sa carrière est gérée, les qualités qui lui sont transmises à travers un travail, une réflexion de la part de son cavalier est extrêmement important. Et c'est cette condition, cet échange entre l'homme et le cheval, qui fait encore la beauté de notre sport. 

Quant aux modifications génétiques, je trouve que c'est un danger pour l'humanité.  J'espère que ces essais ne seront pas probants pour que cela freine cette folie. Je les qualifie véritablement de folie, cela me fait très peur. Et malheureusement, je pense qu'il ne faut pas compter sur les fédérations - auxquelles l'élevage échappe par ailleurs déjà depuis longtemps - pour protéger notre sport. 

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